Le Pas De Trois
Après trente-cinq ans de passion pour la danse classique, Janine rangera tutus et chaussons pour s’adonner exclusivement à la peinture. Il n’y a donc rien d’étonnant que la thématique principale de son œuvre concerne cette discipline si exigeante.
La grâce, la légèreté, la noblesse de cet art se retrouvent dans ce pas de trois, magnifiquement exécuté. L’absence de pieds et de sol libère ces trois personnages de toute pesanteur. Étroitement reliés entre eux, ils dansent à l’unisson, dans l’harmonie la plus parfaite.
Pour inviter le spectateur à ce ballet aérien, l’artiste n’utilisera que deux couleurs, le rouge et le vert, et simplifiera à l’extrême ces trois silhouettes. Quelle maîtrise et quelle originalité !
Janine s’est sentie profondément offensée qu’un cuistre l’ait accusée d’avoir imité servilement Henri Matisse. Son immense panneau de 1910 (260 X 391 cm) intitulé « La danse », qui se trouve au Musée de l’Ermitage à Leningrad, lui avait été commandé par un collectionneur russe pour son palais moscovite. Il représente cinq femmes nues dansant une ronde endiablée ; peut-être des bacchantes en pleine bacchanale champêtre ou une joyeuse farandole provençale ? La couleur rouge vif des personnages symbolise cette joie de vivre, le sol vert émeraude et le fond bleu outremer nous indiquent que la scène se déroule dans une prairie, et non au Bolchoï ! Il n’était donc pas dans le propos de Janine d’évoquer une danse populaire sensuelle, mais une figure solennelle du ballet classique.
En fin de compte, les teintes choisies par nos deux artistes pourraient bien avoir été inspirées par les céramiques et miniatures persanes des douzième et treizième siècles.
Extraits tirés du livre de Pierre-André Devayes – 2010